Un texte théâtral ou poétique, les extraits choisis d’un roman, un discours, un essai, un dialogue littéraire… Il existe tant de textes, essentiels et toujours profondément actuels, que les comédiens souhaitent porter à la scène et partager avec le public au fil d’une lecture théâtralisée.

Les lectures-spectacles, par la facilité de leur mise en œuvre et la qualité du rapport qu’elles permettent d’établir avec le public, sont une activité privilégiée de la compagnie, depuis plusieurs années. Elles sont destinées à tous styles de lieux, publics et privés.

De multiples textes, comme ceux qui sont présentés ici, ont déjà été portés auprès de publics divers dans cette dynamique.

Et nous nous attachons continuellement à la découverte de nouveaux textes, à partir également de vos choix et attentes. N’hésitez pas à nous proposer la réalisation d’une lecture-spectacle des textes et des auteurs que vous souhaitez « mettre en voix ».

Evénements à venir

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DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE
Étienne de La Boétie, 1548

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

« Je ne vous demande même pas d’ébranler le pouvoir mais seulement de ne plus le soutenir. Commencez par arrêter de voter pour vos ennemis. Arrêtez de vous donner des maîtres. Arrêtez de payer des surveillants pour vous épier. Arrêter d’offrir par votre travail, au prince, l’or et les armes dont vous serez ensuite les victimes. Arrêtez de donner la liste de vos biens à ceux qui exigent de vous piller. Pourquoi constituez-vous ces files qui montent au bûcher et qui alimentent le sacrifice pour quelques-uns ou pour un seul ? Pourquoi tenez-vous tant à être le complice préféré du meurtre et l’ami fidèle du désespoir ? Les bêtes ne souffriraient pas ce que vous consentez. Ne servez plus. »

WOLFGANG ÉCRIT À SA FAMILLE
Extraits de la correspondance de Wolfgang Amadeus Mozart

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

Toute sa vie, de près ou de loin, Mozart a entretenu une relation permanente, exaltante ou étouffante, avec sa famille et surtout avec son père Léopold et sa sœur Nannerl.

Tendresse, enfantillages, déclarations ardentes et débridées, humour fantasque et déroutant, implorations, rébellions, colères…

Cette correspondance infiniment surprenante nous entraîne dans les méandres les plus opposés et dissonants du génie de Mozart.

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DÉGRADER LES HOMMES SANS LES TOURMENTER
ou
QUELLE ESPÈCE DE DESPOTISME LES NATIONS DÉMOCRATIQUES ONT À CRAINDRE

Textes d’Alexis de Tocqueville

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

« Les nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas égales ; mais il dépend d’elles que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères. »

En 1831, Alexis de Tocqueville, en qualité de juge-auditeur, est envoyé aux États-Unis afin d’y étudier le système pénitentiaire. Il analyse durant son séjour tous les rouages de la société américaine, puis rédige « De la démocratie en Amérique » : bilan fascinant d’un homme doué d’une exceptionnelle faculté d’observation, mais surtout diagnostic de l’état démocratique sous tous ces aspects… menant à une vision extraordinaire de l’avenir de notre monde.

Prescience de Tocqueville, actualité terrible de son regard sur notre société : ces textes magnifiques sont plus que jamais nécessaires à entendre, à méditer.

« … Il semble que si le despotisme venait à s’établir chez les nations démocratiques de nos jours, il aurait d’autres caractères : il serait plus étendu et plus doux, et il dégraderait les hommes sans les tourmenter. »

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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
Discours prononcé par Victor Hugo à la Chambre le 9 juillet 1850

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

« La souveraineté du peuple, le suffrage universel, la liberté de la presse, sont trois choses identiques, ou, pour mieux dire, c’est la même chose sous trois noms différents. A elles trois, elles constituent notre droit public tout entier ; la première en est le principe, la seconde en est le mode, la troisième en est le verbe. La souveraineté du peuple, c’est la nation à l’état abstrait, c’est l’âme du pays. Elle se manifeste sous deux formes ; d’une main, elle écrit, c’est la liberté de la presse ; de l’autre, elle vote, c’est le suffrage universel.
« Ces trois choses, ces trois faits, ces trois principes, liés d’une solidarité essentielle, faisant chacun leur fonction, la souveraineté du peuple vivifiant, le suffrage universel gouvernant, la presse éclairant, se confondent dans une étroite et indissoluble unité, et cette unité, c’est la république. »

« Messieurs, dans la crise que nous traversons, crise salutaire, après tout, et qui se dénouera bien, c’est ma conviction, on s’écrie de tous les côtés : le désordre moral est immense, le péril social est imminent.
« On cherche autour de soi avec anxiété, on se regarde, et l’on se demande :
« Qui est-ce qui fait tout ce ravage ? Qui est-ce qui fait tout le mal ? Quel est le coupable ? Qui faut-il punir ? Qui faut-il frapper ?
« Le parti de la peur, en Europe, dit : C’est la France. En France, il dit : C’est Paris. A Paris, il dit : C’est la presse. L’homme froid qui observe et qui pense dit : Le coupable, ce n’est pas la presse, ce n’est pas Paris, ce n’est pas la France ; le coupable, c’est l’esprit humain !
« L’esprit humain qui a fait les nations ce qu’elles sont ; qui, depuis l’origine des choses, scrute, examine, discute, débat, doute, contredit, approfondit, affirme et poursuit sans relâche la solution du problème éternellement posé à la créature par le créateur. C’est l’esprit humain qui, sans cesse persécuté, combattu, comprimé, refoulé, ne disparaît que pour reparaître, et, passant d’une besogne à l’autre, prend successivement de siècle en siècle la figure de tous les grands agitateurs ! C’est l’esprit humain qui, depuis que l’histoire existe, a transformé les sociétés et les gouvernements selon une loi de plus en plus acceptable par la raison, qui a été la théocratie, l’aristocratie, la monarchie, et qui est aujourd’hui la démocratie. C’est l’esprit humain qui a été tour à tour, et quelquefois tout ensemble, erreur, illusion, hérésie, schisme, protestation, vérité ; c’est l’esprit humain qui est le grand pasteur des générations, et qui, en somme, a toujours marché vers le juste, le beau et le vrai, éclairant les multitudes, agrandissant les âmes… »

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LES ENNEMIS DE LA RÉPUBLIQUE
Discours prononcé par Victor Hugo à la Chambre le 17 juillet 1851

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone
« Louis Bonaparte avait été élu Président de la République le 10 décembre 1848. Peu à peu, de crise en crise et à travers des lois de restriction sur le suffrage universel ou sur la liberté de la presse, le parti monarchique, royalistes et bonapartistes réunis, tisse sa toile. En juillet 1851, l’Assemblée délibère sur la révison de la constitution qui permettrait au Prince-Président d’être réélu en 1852. Faute d’avoir réuni les deux tiers des suffrages, le projet échoua. On sait ce qui s’ensuivit : le coup d’État du 2 décembre 1851.
« Dans le débat, Victor Hugo prit la parole le 17 juillet. Ce fut un long discours, haché d’interruptions et d’incidents.
« La stratégie était simple et audacieuse : puisque Louis-Napoléon Bonaparte se réclamait du glorieux Empire, il fallait opposer l’oncle au neveu, élever la geste de l’un pour abaisser les prétentions de l’autre. Et c’est ainsi que, quelques instants avant le moment qui nous occupe, l’orateur avait lancé la formule destinée à une certaine fortune : « Quoi ! après Auguste, Augustule ! Quoi ! parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit ! » La tactique était celle de la provocation, et le tumulte avait été, selon les rédacteurs du Moniteur, inexprimable. »
Pierre Campion

Tout en alertant sur la montée en puissance de la restauration d’un gouvernement monarchique, sous l’impulsion de Louis Bonaparte, Victor Hugo exprime ici avec feu son profond amour de la République, sa certitude quand au destin et au progrès humains et oppose tout cela à la dictature que sous-tend tout autre forme de pouvoir.  C’est une question, selon moi, brûlante en ces jours ou la France subit les attaques répétées d’un gouvernement prétendûment élitiste, en réalité arrogant et délibérément sourd – voire clairement opposé – aux besoins et attentes du peuple et de la nation dans son ensemble.
Quelques mois après ce discours flamboyant, Victor Hugo sera exilé durant 20 ans.
Alexandre Metratone

« Quoi ! c’est là la situation que vous nous faites ! la neutralisation de toute autorité par la lutte, l’abaissement, et, par conséquent, l’effacement du pouvoir, la stagnation, la torpeur, quelque chose de pareil à la mort ! Nulle grandeur, nulle force, nulle impulsion. Des tracasseries, des taquineries, des conflits, des chocs. Pas de gouvernement ! Et cela, dans quel moment ?
Au moment où, plus que jamais, une puissante initiative démocratique est nécessaire ! au moment où la civilisation, à la veille de subir une solennelle épreuve, a, plus que jamais, besoin de pouvoirs actifs, intelligents, féconds, réformateurs, sympathiques aux souffrances du peuple, pleins d’amour et, par conséquent, pleins de force ! au moment où les jours troublés arrivent ! au moment où tous les intérêts semblent prêts à entrer en lutte contre tous les principes ! au moment où les problèmes les plus formidables se dressent devant la société et l’attendent avec des sommations à jour fixe ! au moment où les philosophes, les publicistes, les observateurs sérieux, ces hommes qui ne sont pas des hommes d’état, qui ne sont que des hommes sages, attentifs, inquiets, penchés sur l’avenir, penchés sur l’inconnu, l’œil fixé sur toutes ces obscurités accumulées, croient entendre distinctement le bruit monstrueux de la porte des révolutions qui se rouvre dans les ténèbres. »

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COURBET-PROUDHON : ESTHÉTIQUE DE LA RÉVOLTE
Textes croisés de Gustave Courbet et Pierre-Joseph Proudhon.
Choix de textes : Karim Younès

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

L’amitié qui lie le peintre Gustave Courbet à l’un des fondateurs du socialisme français, Pierre-Joseph Proudhon, commence en région Franche-Comté.

Proudhon naît en 1809 à Besançon et Courbet en 1819 à Ornans (environ 30 km de distance).

Ils ne sont pas du même milieu social, Proudhon est issu de la classe ouvrière, Courbet de celle des petits propriétaires terriens. Mais ce sont des mondes où l’on ressent la même défiance à l’égard de la religion, du pouvoir, des autorités et des bourgeois. On y cultive l’indépendance, la solidarité et la mémoire de la Révolution française. On y ressent, directement, les premiers effets de l’industrie et de la mécanisation. Ce sont bien assez de raisons pour vouloir, vers 1848, fonder un monde nouveau, s’appuyant sur l’équité et la raison.

Les essais politiques de Proudhon seront des tentatives pour construire ce monde.

Proudhon se lie véritablement d’amitié avec Courbet lors de son installation à Paris en 1847. S’ensuivront près de vingt années d’échanges intellectuels et artistiques entre les deux hommes.

ZARATHOUSTRA
Friedrich Nietzsche
Choix de textes : Karim Younès

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

« Ainsi parlait Zarathoustra » est une œuvre poétique et philosophique magistrale. Elle a bouleversé la pensée de l’Occident. « Nietzsche démolit, il sape », disait Gide. Il remet définitivement l’homme en question. Poète-prophète, Zarathoustra se retire dans la montagne et revient parmi les hommes pour leur parler. Sa leçon essentielle : « Vouloir libère. » Son leitmotiv : rejeter ce qui n’est pas voulu, conquis comme tel, tout ce qui est subi. C’est le sens du fameux : « Deviens celui que tu es. » La vertu est souvent le droit du plus faible, elle paralyse tout, désir, création et joie. Le surhomme nietzschéen est celui qui a la plus grande diversité d’instincts qui s’opposent puissamment mais qu’il maîtrise.
Georges-Arthur Goldschmidt

Lorsque Zarathoustra eut atteint sa trentième année, il quitta sa patrie et le lac de sa patrie et s’en alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et ne s’en lassa point durant dix années. Mais enfin son cœur se transforma, – et un matin, se levant avec l’aurore, il s’avança devant le soleil et lui parla ainsi :
« Ô grand astre ! Quel serait ton bonheur, si tu n’avais pas ceux que tu éclaires ?
« Depuis dix ans que tu viens vers ma caverne : tu te serais lassé de ta lumière et de ce chemin, sans moi, mon aigle et mon serpent.
« Mais nous t’attendions chaque matin, nous te prenions ton superflu et nous t’en bénissions.
« Voici ! Je suis dégoûté de ma sagesse, comme l’abeille qui a amassé trop de miel. J’ai besoin de mains qui se tendent. Je voudrais donner et distribuer, jusqu’à ce que les sages parmi les hommes soient redevenus joyeux de leur folie, et les pauvres, heureux de leur richesse.
« Voilà pourquoi je dois descendre dans les profondeurs, comme tu fais le soir quand tu vas derrière les mers, apportant ta clarté au-dessous du monde, ô astre débordant de richesse !
« Je dois disparaître ainsi que toi, me coucher, comme disent les hommes vers qui je veux descendre.
« Bénis-moi donc, œil tranquille, qui peux voir sans envie un bonheur même sans mesure !
« Bénis la coupe qui veut déborder, que l’eau toute dorée en découle, apportant partout le reflet de ta joie !
« Vois ! cette coupe veut se vider à nouveau et Zarathoustra veut redevenir homme. »
Ainsi commença le déclin de Zarathoustra.

SUR LA LECTURE
Marcel Proust

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

« Tant que la lecture est pour nous l’incitatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-même la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer… »

*

« Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres, et que nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin : le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le plus intéressant, l’abeille ou le rayon de soleil gênants qui nous forçaient à lever les yeux de la page ou à changer de place, les provisions de goûter qu’on nous avait fait emporter et que nous laissions à côté de nous sur le banc, sans y toucher, tandis que, au- dessus de notre tête, le soleil diminuait de force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu rentrer et où nous ne pensions qu’à monter finir, tout de suite après, le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre chose que l’importunité, elle en gravait au contraire en nous un souvenir tellement doux (tellement plus précieux à notre jugement actuel que ce que nous lisions alors avec tant d’amour,) que, s’il nous arrive encore aujourd’hui de feuilleter ces livres d’autrefois, ce n’est plus que comme les seuls calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et avec l’espoir de voir reflétés sur leurs pages les demeures et les étangs qui n’existent plus. »

1984
George Orwell

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone

« En dehors du désir de supprimer les mots dont le sens n’était pas orthodoxe, l’appauvrissement du vocabulaire était considéré comme une fin en soi et on ne laissait subsister aucun mot dont on pouvait se passer. Le novlangue était destiné, non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée, et la réduction au minimum du choix des mots aidait indirectement à atteindre ce but. »

« Pour la vie de tous les jours, il était évidemment nécessaire, du moins quelquefois, de réfléchir avant de parler. Mais un membre du Parti appelé à émettre un jugement politique ou éthique devait être capable de répandre des opinions correctes aussi automatiquement qu’une mitrailleuse sème des balles. Son éducation lui en donnait l’aptitude, le langage lui fournissait un instrument grâce auquel il était presque impossible de se tromper, et la texture des mots, avec leur son rauque et une certaine laideur volontaire, en accord avec l’esprit du Parti, aidait encore davantage à cet automatisme.

« Le fait que le choix des mots fût très restreint y aidait aussi. Comparé au nôtre, le vocabulaire novlangue était minuscule. On imaginait constamment de nouveaux moyens de le réduire. Il différait, en vérité, de presque tous les autres en ceci qu’il s’appauvrissait chaque année au lieu de s’enrichir. Chaque réduction était un gain puisque, moins le choix est étendu, moindre est la tentation de réfléchir. »

*

« Big Brother est infaillible et tout-puissant. Tout succès, toute réalisation, toute victoire, toute découverte scientifique, toute connaissance, toute sagesse, tout bonheur, toute vertu, sont considérés comme émanant directement de sa direction et de son inspiration. Personne n’a jamais vu Big Brother. Il est un visage sur les journaux, une voix sur un écran. Nous pouvons, en toute lucidité, être sûrs qu’il ne mourra jamais et, déjà, il y a une grande incertitude au sujet de la date de sa naissance. »

*

– Comment un homme s’assure-t-il de son pouvoir sur un autre, Winston ?
Winston réfléchit :
– En le faisant souffrir, répondit-il.
– Exactement. En le faisant souffrir. L’obéissance ne suffit pas. Comment, s’il ne souffre pas, peut-on être certain qu’il obéit, non à sa volonté, mais à la vôtre ? Le pouvoir est d’infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l’esprit humain en morceaux que l’on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l’on a choisies. Commencez-vous à voir quelle sorte de monde nous créons ? C’est exactement l’opposé des stupides utopies hédonistes qu’avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d’écraseurs et d’écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu’il s’affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L’ancienne civilisation prétendait être fondée sur l’amour et la justice. La nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. 

« Nous écrasons déjà les habitudes de pensée qui ont survécu à la Révolution. Nous avons coupé les liens entre l’enfant et les parents, entre l’homme et l’homme, entre l’homme et la femme. Personne n’ose plus se fier à une femme, un enfant ou un ami. Mais plus tard, il n’y aura ni femme ni ami. Les enfants seront à leur naissance enlevés aux mères, comme on enlève leurs œufs aux poules. L’instinct sexuel sera extirpé. La procréation sera une formalité annuelle, comme le renouvellement de la carte d’alimentation. Nous abolirons l’orgasme. Nos neurologistes y travaillent actuellement. Il n’y aura plus de loyauté qu’envers le Parti, il n’y aura plus d’amour que l’amour éprouvé pour Big Brother.

« Il n’y aura plus de rire que le rire de triomphe provoqué par la défaite d’un ennemi. Il n’y aura ni art, ni littérature, ni science. Quand nous serons tout-puissants, nous n’aurons plus besoin de science. Il n’y aura aucune distinction entre la beauté et la laideur. Il n’y aura ni curiosité, ni joie de vivre. Tous les plaisirs de l’émulation seront détruits. Mais il y aura toujours, n’oubliez pas cela, Winston, il y aura l’ivresse toujours croissante du pouvoir, qui s’affinera de plus en plus. Il y aura toujours, à chaque instant, le frisson de la victoire, la sensation de piétiner un ennemi impuissant. Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain… éternellement. »

LE DÉCLIN DU COURAGE
Le discours flamboyant prononcé par Alexandre Soljenitsyne à Harvard en 1978

Lecture théâtralisée par Alexandre Metratone


« Si le monde ne touche pas à sa fin, il est du moins à la veille d’un tournant décisif de son Histoire, semblable en importance au tournant qui l’a conduit du Moyen-âge à la Renaissance. Ce tournant exigera de nous un embrasement spirituel. Il nous faudra nous hisser à une nouvelle hauteur de vue, à une nouvelle conception de la vie, où notre nature physique ne sera pas maudite, comme elle a pu l’être au Moyen-âge, mais, ce qui est bien plus important, où notre être spirituel ne sera pas non plus piétiné, comme il le fut à l’ère moderne. »

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